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dimanche, 08 mai 2011

Une vision radicale de l'écologie chrétienne

 

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Falk van Gaver

L'Écologie selon Jésus-Christ

L'Homme Nouveau, 2011

172 pages, 19 €


     Dans le sillage des grands ouvrages fondateurs que Jean Bastaire a écrits avec son épouse Hélène [1], on lira L’écologie selon Jésus-Christ, livre fervent où se découvre une vision radicale de l’écologie chrétienne. Falk van Gaver y réfute magistralement la thèse, très prisée par les milieux écologistes anti-chrétiens, qui désigne la tradition biblique comme responsable de l’actuelle crise environnementale. Comment une religion qui prône la doctrine du sacrifice (« Il faut qu’il croisse et que je diminue », Jn, III, 30) peut-elle être soupçonnée d’avoir favorisé la profanation moderne de la nature et sa désacralisation, « sacrifice » et « sacré » ne sont-ils pas liés par l’étymologie même ? La réflexion de l’auteur, qui se fonde surtout sur le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, parvient à rétablir la vérité, en s’appuyant méthodiquement sur un corpus très large de textes, allant du livre de la Genèse jusqu’aux discours des deux derniers papes, Jean-Paul II et Benoît XVI. Tout au long de son ouvrage, il s’attache à montrer combien les principes chrétiens d’amour, de pauvreté, de partage, s’opposent aux valeurs consuméristes, hédonistes et spectaculaires.

      Ce n’est qu’à partir d’un dépassement chrétien de la distinction, avancée par Max Weber, entre les deux éthiques antagonistes de « responsabilité » et de « conviction », que se  découvrent les valeurs fondamentales d’une morale écologique intégrale, seule capable de contenir la puissance technocratique de nos sociétés modernes.

      Le monde est une partition que Dieu a donné à jouer aux hommes : la « question écologique » ne se pose qu’en entendant la cacophonie de leur interprétation. Cette fausse interprétation du monde provient du déni de Dieu, Falk van Gaver le démontre éloquemment. Le monde où se pose la question écologique n’est pas la chrétienté mais la modernité : « Effectivement, c’est à partir du moment où le regard premier sur la nature a été modifié – à partir du moment où est apparue la modernité, avec son mouvement justement de sécularisation, de laïcisation, de désenchantement, de désacralisation, et en Occident de déchristianisation –, c’est alors qu’a commencé dans l’humanité un nouvel usage de la nature : non plus sa culture, mais sa domination, son exploitation, sa manipulation jusqu’à sa modification intime et sa destruction ». [2]

      Au risque de verser dans le « cosmisme » panthéiste, l’écologie chrétienne ne doit pas en rester à l’alliance noachique. En effet, cette alliance qui s’étend à toute l’humanité ne nous fait pas quitter le plan de la simple économie de la Loi de nature. L’irruption du spirituel dans le temporel n’advient qu’avec l’alliance abrahamique donnant d’abord lieu à la Loi mosaïque, puis à l’économie christologique de la Foi. La révélation de la Transcendance par l’Incarnation fait de tous les hommes des « fils de Dieu par la Foi au Christ Jésus » (Gal. III, 23-26). L’alliance de la Bonne Nouvelle ouvre donc la possibilité d’une véritable anarchie spirituelle : « Il n’y a pas d’anarchie possible en dehors de l’Évangile », affirmera justement notre auteur [3].

       À l’initiative du bienheureux Jean-Paul II, la doctrine sociale de l’Église a rapatrié, à l’orée du vingt-et-unième siècle, la quintessence verticalisable du socialisme historique du dix-neuvième. On le découvre à travers les idées avancées par Falk van Gaver sur l’ « écologie sociale », ses prises de position critiques contre le capitalisme libéral ou d’État. Sa pertinente analyse sur l’organisation subsidiaire de la société, « favorisant l’autarcie économique, l’autogestion sociale et l’autonomie politique » [4], évoque certains travaux de l’écologiste anarchiste américain Murray Bookchin.

      Aucune théorie économique de la décroissance ne peut réussir sans une conversion radicale à l’Église du Verbe incarné. Un des grands mérites de Falk van Gaver est précisément de revivifier ce mot déchu de « conversion » qui signifie, non seulement le changement de croyance, mais aussi la pénitence, c’est-à-dire le changement de vie morale ; et, plus encore, un changement d’âme, une totale transfiguration humaine : « Ce qu’il faut avant tout, c’est un changement total d’attitude, de regard et de mentalité, un véritable retournement, une authentique conversion : retrouver le sens du sacré, du beau, de l’éternité. » [5] Conversion est le vraie nom de la vraie révolution, c’est-à-dire, pour citer Joseph de Maistre : « le contraire de la révolution ». 

      L’Écologie selon Jésus-Christ n’est pas un livre tiède : il brûle du feu de l’Esprit.  Falk van Gaver s’y révèle comme un des penseurs les plus authentiques de ce nouveau franciscanisme qui éclaire l’Église militante d’aujourd’hui. Son combat écologique n’est pas une fabrication abstraite ; ce jeune philosophe est un écrivain-voyageur [6] qui vit la nature, l’aime, la prie, l’agit. L’émouvante conclusion de son livre en témoigne : la voie chrétienne est la recherche des racines du monde.

 

Alain Santacreu

 

 

Notes :

 

[1] Ils ont publié  ensemble une dizaine d’ouvrages dont Le Chant des créatures (1996),  Pour une écologie chrétienne (2004) et, plus récemment Pour un Christ vert (2009).

[2] Falk van Gaver, L’Écologie selon Jésus-Christ, p. 23.

[3] Falk van Gaver, op. cit., p.141.

[4] Falk van Gaver, op. cit., p. 123.

[5] Falk van Gaver, op. cit., p. 72.

[6] Cf. La Route des steppes, Presses de la Renaissance, 2006 ; et Le Chemin du Mont, Éditions de l’Œuvre, 2009.

 

 

 

 

 

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